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La Déportation de ma famille

LA DEPORTATION.  

 

     Environ 2 mois après leur arrestation, mon père et mes frères qui sont à la prison de Loos, apprennent qu'ils vont être libérés.  Gaston Délhaye, le camarade de guerre de 14-18 de mon père, s'est dépensé beaucoup pour les faire libérer. En effet ils n'ont jamais parlé et le seul grief retenu contre eux est d'avoir détenu un poste émetteur, le fameux poste émetteur que Plantain est venu chercher à la ferme de mes parents en octobre 43.et qui fut découvert sous le foin à Landrecies chez Godart Maintenant je peux l'affirmer c'est bien Henri Plantain, qui les a dénoncés. 

Gaston Délhaye se rend à la Kommandantur de Valenciennes et arrive à  obtenir leur  libération. Sitôt libérés, ils se rendent à la gare de Lille pour rentrer à la maison et,  là, ils ont la désagréable surprise d'être repris pour être remis en prison.  Ma mère est prévenue par téléphone de leur libération.

Mais ce coup de téléphone a dû être connu de certaines personnes  de Cartignies  qui trouvent mon père et mes frères indésirables et font le nécessaire pour qu'ils soient repris.  Arrêtés une seconde fois, ils ne retourneront plus à Loos mais à St Bernard, une annexe de Loos et le 12 juin 1944 ils sont envoyés à  la  prison St Gilles  à  Bruxelles  et ensuite  embarqués dans des wagons à bestiaux direction l'Allemagne. A cette date nous ne savions pas que les camps  d'extermination existaient.

D'après les renseignements que nous avons pu avoir ils seraient arrivés à Buchenwald le 19 juin 1944 ou ils ont été tatoués sous les matricules  60558-62559-60560 ils y ont fait leur quarantaine et furent envoyés à Dora où leur passage fut bref, ils sont partis pour Ellrich, et ensuite mon père et Gérard sont repartis à Dora, mon père est décédé à Dora le 11 novembre 1944, Robert est décédé à Ellrich le 18 décembre 1944, et Gérard était encore en vie le 1er avril 1945, d'après la lettre de René Casta qui suit. Les autres résistants dénoncés par Plantain seraient partis de Loos seulement le 27 juillet 1944.

  Le 2 mai 1945 ma mère reçoit une carte d'un certain René Casta adressée à mon frère Gérard

Aussitôt ma mère écrit à René Casta et,  le 15 juillet une réponse arrive      

                                                                                   Madame

                Vous m'excuserez si je vous réponds un peu tardivement,  c'est qu'en ce moment je me trouve en repos en dehors de Marseille. De ce fait je n'ai reçu votre lettre que maintenant. Il est de mon devoir de vous donner quelques renseignements au sujet de votre fils Gérard.  

Je comprends  votre angoisse, moi même je suis étonné  que votre fils ne soit pas rentré, je vous dirais  de suite que j'ai connu votre fils Gérard à Dora  où nous étions  tous deux à l'infirmerie il avait été mon camarade de lit et nous étions devenus avec votre fils de bons amis.

            Voici, madame, les aveux que votre fils Gérard m'a faits, quand nous étions ensemble. Ils se trouvaient ensemble à Ellrich  en 1944,  Gérard et votre mari sont partis pour Dora laissant votre fils Robert à Ellrich

pour votre mari ; Il m'est pénible de vous dire la vérité, car je ne sais pas trouver les mots qui conviennent pour vous annoncer cette terrible nouvelle, car par l'aveu même de votre fils, Gérard, il est décédé le 11 novembre 1944 des suites d'une maladie qu'il avait contactée, où votre fils Gérard  l'avait lui même conduit à l'infirmerie. 

Voilà  madame, ce que je sais,  croyez-moi,  je vous ai dit toute la vérité.

  A présent, j'en reviens au sujet de Gérard. Il est inutile de vous dire que je l'ai consolé de mon mieux, cherchant toujours à lui remonter le moral, et quand nous sommes sortis, j'allais souvent lui rendre visite, il était en ce moment là au bloc 101 à Dora il avait repris le travail et il était content de ne plus retourner à Ellrich, donc je puis vous affirmer,  que je l'ai quitté le 1er avril 1945 en excellente santé, il est évident qu'au point de vue physique, il avait maigri, par manque de nourriture qui n'était pas suffisante, surtout que l'on avait été opéré. Donc, le 1er  avril,  je suis parti en transport laissant votre fils à Dora et deux jours après j'ai su que tout le camp  étaitt évacué parce que les Américains se trouvaient à une dizaine de kilomètres du camp,  c' est pourquoi, dès que je suis arrivé à Marseille je m'étaist empressé de lui envoyer une carte puisque on  s'était entendus que je lui écrirais le premier,  du fait que j'étais plus éloigné que lui, donc j'avais la conviction qu'il serait rentré avant moi.

je vous dirais, madame,  qu'il faut encore conserver l'espoir du retour de votre fils, pour une bonne raison c'est que moi même, j'ai fait à pied un parcours de 700 kilomètres, il est possible  que, lui-même il ait  fait un parcours égal à ce que j'ai fait et ensuite qu'il ait été libéré, non pas par les Américains mais par les Russes . Et il ne faut pas vous étonner si vous n'avez reçu aucune nouvelle, car, pour ma part, je n'ai pu prévenir ma famille que j'étais sain et sauf que  lorsque je suis rentré en France.  C ' est pourquoi je vous le répète, ayez encore cette confiance et cet espoir de son retour, moi-même je le souhaite de tout cœur, et combien je serais heureux, si un jour prochain, j'apprenais cette bonne nouvelle. Je comprends  combien est grande votre angoisse et, combien est grande votre douleur d'avoir perdu votre mari, je prends  part à votre douleur, malgré tout ce que je peux vous dire, rien ne pourra vous consoler, mais enfin soyez courageuse, et gardez cette confiance et l'espoir que votre fils Gérard vous reviendra  vivant. A présent, madame, je vais clore ma lettre.  Je  vous ai dit tout ce que je savais, je ne vous ai rien caché, ne vous gênez pas, si  j'ai oublié quelque chose, pour  m'écrire à nouveau, je suis à votre disposition. Je tache à présent, en prenant un peu de repos, d'oublier les mauvais jours que j'ai passés dans ces maudits camps, excusez moi si ma lettre est décousue, je ne suis pas encore en bonne santé, et j'ai beaucoup de peine à écrire. Mais enfin avant de terminer ma lettre,  combien je conserve l'espoir du prochain retour de votre fils. Dans l'attente de recevoir cette bonne nouvelle, recevez, madame, mes sentiments les plus distingués et les plus respectueux.

                                                                                            René Casta

PS: Je vous dirais qu'en ce moment,  je cherche des camarades qui étaient au bloc 101 à Dora, pour savoir exactement de quel côté ils ont évacués, car, si on trouve un de ses camarades on peut avoir de meilleurs renseignements.  Tachez, de votre côté, de faire paraître sur les journaux, si on peut avoir des nouvelles par cette annonce qu'il se trouvait à " Dora bloc 101 le 1er avril 1945

        Les mois passent et Gérard ne revient pas,  ma mère apprend par Jules Lebon qui est rentré de Dachau que mon père et mes frères auraient été libérés de Loos, c 'est pour cette raison qu'a son retour, Jules Lebon dit à sa femme et à sa fille «  vous voyez dans l'état que je suis, les Méresse eux sont à leur maison »   Ma mère écrit à nouveau à René Casta, pour savoir , au cas ou Gérard lui en aurait fait la confidence et le 15  février 1946 une réponse arrive.

                                                                              Madame

Je m'empresse de répondre de suite à votre lettre, et tacher de mon mieux à vous donner satisfaction. Mais avant tout je vous dirais que moi aussi, j'ai  lu le décès de votre mari ainsi que de votre fils Robert dans le journal" la chaîne "quand à Gérard, je persiste à croire qu'il peut se trouver dans un hôpital du côté de la Russie, cela me ferait grand plaisir. Je veux en venir directement au sujet que vous me demandez, si votre fils m'avait fait des confidences, je me souviens qu'il  m'avait raconté son arrestation, mais il ne m'avait pas parlé qu'il avait été libéré et ensuite repris, je sais seulement que de la prison ils sont partis pour l'Allemagne, je m'étonnerais un peu du contraire, car les Allemands avaient trop besoin de main d'œuvre , voyez vous, à ma famille, ils avaient bien dit que j'allais être libéré mais je suis parti, c'est pour vous dire que pour mentir, ils étaient très forts. Voilà à peu prés tout ce que je sais, et je suis navré de ne pas vous donner d'autres renseignements

                 Croyez chère madame à ma haute considération   R Casta                    

 

 

             

  



31/07/2009
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