Paul Chabloz
Récit D'un Combattant De l'ombre
Mémoires de son fils André
« Lorsque j'étais plus jeune, je n'ai jamais su ce qu'ils faisaient. J'étais une enfant. On ne parlait pas de ça aux enfants. C'était bien trop risqué ! Bien qu'étant très jeune à cette époque, je pense qu'il était tout à fait normal que les parents ne parlent pas de
Témoignage de Monique Carlier résidente à Avesnes
A cette époque, les enfants étaient mis au secret, on ne leur parlait pas des actions que les « grands » menaient silencieusement, dans la plus grande discrétion… Aujourd'hui, les années ont passé, et ces enfants sont désormais les seuls capables de vous parler de ce passé dont nous ne savons que trop peu de choses… Ils ont bien grandi ces « enfants », mais comment vous narrer ces histoires alors qu'on leur en a tant caché ?
Nous ne parlons pas assez. Des récits se perdent… Avec les années, beaucoup de
témoins de cette époque ont disparu et ont emporté avec eux leurs souvenirs. Qui
peut aujourd'hui raconter à leur place ce qu'ils ont vécu ? Ce sont des pans de notre histoire qui se ferment. Il ne faut pas ignorer le passé, mais le connaître pour mieux vivre
notre présent et nous forger un avenir meilleur. Tenir compte de ce qu'ont été nos aînés et de ce qu'ils ont fait pour
PROLOGUE
Nous sommes de l'Avesnois, située dans la région sud du Nord-Pas-de-Calais, lui-même situé au Nord de
La frontière avec
Plusieurs fois, que ce soit en cours ou lorsque nous nous renseignions sur la résistance auprès de certains habitants de la région, nous avons eu l'écho d'un nom de famille démarquant des autres : les Chabloz.
Nous avons eu la grande chance de pouvoir alors joindre André Chabloz qui a accepté de nous aider, et c'est pour cette raison que nous rédigeons aujourd'hui un court récit sur la vie de son père, Paul Chabloz, un de ces mystérieux mais non moins célèbres combattants de l'ombre…
C'était un 9 Février. Le 9 Février 1898. Ce jour là, un bambin nommé Paul Chabloz naissait de l'union d'un homme suisse et d'une femme française venant de Gironde, dans le Médoc. Il est impossible aux humains de connaître d'avance l'avenir d'un homme, cependant si l'opportunité s'était présentée à cette époque, les parents de l'enfant auraient été bien fiers de savoir ce qu'il allait devenir par la suite…Cette naissance avait eu lieu au Cateau, lieu où l'industriel Mr. CHABLOZ avait rencontré Mme Julia BERON. Elle était fille d'un professeur d'institution protestante au Cateau. Ensemble, ils eurent cinq enfants : Albert, Renée, Paul, Liliane et Edmond.
C'est dans la région que Paul Chabloz grandit et étudia : tout d'abord au collège du Cateau, puis au lycée de Saint-Quentin dans l'Aisne, et ce jusqu'au baccalauréat. Mais déjà, une première guerre l'attendait, peut-être par ironie : le conflit de 1914-1918 éclata et l'obligea à interrompre son instruction... Comme bien des guerres, celle-ci fit des ravages… Pour Paul Chabloz, elle se chargea de marquer toute une enfance : le frère aîné de Paul, Albert, était sergent d'active dans l'armée française en 1914. Il participa à la bataille de Charleroi, de
mais les allemands l'apprirent et internèrent alors son père. Ils pillèrent ensuite ses magasins, ses ateliers de construction, en détruisant à la masse toutes les machines-outils, tout ce qu'ils ne pouvaient emporter… ceci à titre de représailles. Pas de dommages de guerre pour les firmes suisses… ce fut la ruine totale ! Et cela sans compter les habitations et les dépendances qui avaient été pillées et gravement endommagées lors des combats d'Octobre 1918…
La guerre semblait aimer à détruire ce qui était précieux aux yeux des hommes, mais elle permit à Paul Chabloz de s'endurcir et commença à forger ses idéaux.
Dès la fin de la 1ere Guerre mondiale, Paul Chabloz fit son service militaire jusqu'en juin 1920, en tant qu'interprète d'allemand à
C'est en 1923 qu'il connut un des plus grands bonheurs de la vie : il se maria avec Marcelle DEGON. Elle était, tout comme lui, une femme courageuse. Lors de
Cependant, André verra défiler bien des gens chez lui, percevra bien des conversations secrètes auxquelles il ne pourra assister… Mais ceci, tout au long de son enfance, lui paraîtra normal. Il en gardera une certaine fierté, mais une fierté silencieuse, que l'on cache au plus profond de son cœur. Comme il nous dit aujourd'hui « Je comprends tout à fait, j'aurais pu en parler inconsidérément ! »
En 1938-1939, Paul Chabloz fut à nouveau mobilisé en tant qu'interprète à Cambrai. Il fut libéré de son poste en 1939 compte tenu de son âge et de sa situation familiale : père de quatre enfants.
Le 3 Septembre 1939,
qu'affrontement maritime, avec les deux armées face à face qui ne tentèrent rien. Cependant, l'inactivité eut des répercussions quant à l'opinion française, et les allemands s'efforcèrent d'affaiblir le moral des troupes françaises par le biais d'une propagande intense, et particulièrement radiophonique. Mais après cette « Drôle de Guerre »
sans aucun affrontement terrestre, Hitler reprit l'initiative le 10 mai 1940. Les troupes alliées se jetèrent dans un piège en Belgique (vers Namur), tendu par l'état major allemand appliquant le plan de Manstein : ils attaquèrent principalement les Ardennes, ainsi l'armée française fut coupée en deux !
Dix divisions allemandes, dont sept blindées, passèrent à l'offensive plus au sud sous la direction de Heine Guderian, à travers les Ardennes mal défendues, et franchirent
Mais les troupes allemandes changèrent de cap et encerclèrent dans les Flandres quarante-cinq divisions qui se replièrent sur Dunkerque après la capitulation Belge. 200 000 Britanniques et 130 000 Français furent évacués.
Ainsi, la campagne de France ne dura que six semaines… D'après certains,
C'est ainsi qu'en mai 1940 commença l'exode. Enormément de gens fuirent l'occupation allemande et l'arrivée des troupes : Paul Chabloz et les siens en font partie. Ils se réfugièrent tout d'abord à Caen où Paul Chabloz devint secrétaire du Commissaire de Police (2e arrondissement) pendant un mois. Ils durent continuer leur exode jusqu'à Jonzac (17). Le pasteur du lieu le présenta alors au sous-préfet Mr.Lecene (un « gaulliste de première heure »). Ils sympathisèrent bien vite et sur une
demande de celui-ci, Paul Chabloz fut nommé interprète à
Il prit le surnom de « Chevesnes ». C'était un nom de poisson, car il était un pêcheur invétéré. Cependant, on y trouvait également le subtil mélange d' « Avesnes » et de « Chabloz »…C'est ainsi qu'il vécut ses premières aventures et qu'il découvrit quels étaient les risques encourus suite à un engagement tel que celui qu'il avait pris. A maintes reprises, il faillit y laisser la vie… Il avait pour rôle clandestin de renseigner, par le truchement du Sous-préfet, les services de
Il rendit également de nombreux services bénévolement à la population et aux réfugiés, au Service des Renseignements Militaires Alliés, et diffusa une propagande gaulliste dans tout l'arrondissement, sans oublier toutes les lettres de délation anonymes et signées qu'il supprima...
Retour dans le Nord
Fin Novembre 1940, Paul Chabloz regagna le Nord en compagnie des siens, et rentra à Avesnes sur Helpe. Il y découvrit sa maison complètement pillée… Dès son arrivée, encore emprunt de ses expériences, il chercha à entrer en contact avec des résistants. Pendant ce temps, la collaboration avec l'Allemagne prenait forme. Le 20 octobre 1940 avait lieu l'entrevue de Montoire. Le 30 octobre 1940, la radio française diffusait : " J'ai rencontré jeudi dernier le chancelier du Reich. (…) C'est librement que je me suis rendu à l'invitation du Führer (…) Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J'en ai accepté le principe (…). C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française (…) que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration. " Le gouvernement de Vichy était une dictature… on s'en aperçoit avec le recul. Des libertés minimes commençaient à être ôtées aux populations, comme le droit de chasse qui entraîna la réquisition des armes. Mais alors que de plus en plus de mesures étaient prises, des groupes de résistance commençaient à se former lentement, dans la plus grande discrétion. On ne voulait pas se soumettre.
On souhaitait se battre. On voulait conserver une liberté… mais que faisait donc Pétain ? C'est ainsi que Paul Chabloz lança toute une propagande gaulliste.
Puis, en compagnie d'un groupe de camarades sûrs, il rechercha, camoufla et entretint des armes de guerres abandonnées lors des combats de mai 40. Ces armes qui leur semblaient si précieuses... 1er mars 1942, il parvint à rentrer en contact à Paris avec
Le premier message personnel de Paul Chabloz passé par
Les actions d'un résistant
Par la suite, Paul Chabloz devint Chef du Sous-Réseau Nord-Est de
- à créer des services de fausses cartes d'identité et d'autres pièces
- à renseigner les Alliés de France Libre et de Londres ;
- à piller des mairies pour fournir des cartes de ravitaillement destinées aux clandestins et aux réfractaires - à saboter des voies ferrées, des usines, des locomotives, des camions et des autos - à rapatrier via
de saboteurs et d'autres résistants connus de l'ennemi et traqués
- à rechercher des points de parachutages d'armes, des emplacements de dépôts de ces armes et du matériel, explosifs et autres. - à stocker des denrées
- à créer des Services de Santé : médecins, chirurgiens, infirmiers prêts-à-porter secours à un quelconque blessé - à entraîner des équipes pour la réception des parachutes et de leurs containers - à installer des postes radios, Hébergement de leurs opérateurs (qui devaient être continuellement transportés d'un endroit à l'autre pour tromper les autos boches et leurs radars
- à créer des Service de codage et de décodage des messages envoyés et reçus
- à se préparer au combat avec les armes nouvelles et les engins spéciaux parachutés…
Ses groupes étaient très compartimentés pour éviter les arrestations en série… Inutile de parler de ceux qui étaient pris. Les malheureux étaient martyrisés par
Les contacter n'était pas une mince affaire.
le Maréchal Pétain mettait en avant le monde rural et leur rendait hommage. Flattés, ils ne prenaient pas encore conscience des conditions de
nourrir les villes, ils accueillaient les citadins qui s'approvisionnaient dans leurs fermes. Une nouvelle devise fut décidée pour l'Etat Français (« Travail, Famille, Patrie ») qui adopta dès octobre 1940 des mesures antisémites. On trouvait ainsi des collaborateurs pro-allemands. Ils étaient souvent poussés par le manque d'argent et l'attrait qu'il avait tout particulièrement à cette époque. Des fortunes s'édifiaient très vite grâce au trafic avec l'occupant, et le marché noir était roi ! Parfois, c'était uniquement l'adhésion aux idées nazies qui poussait à dénoncer : on admirait Hitler car il avait su « remonter » L'Allemagne.
Chez les bourgeois, on trouvait le plus grand nombre de pétainistes, et beaucoup étaient antisémites… Dans la région, un résistant avait dénoncé tout son réseau : PLANTAIN, originaire de Cambrai, agent de liaison basé sur Landrecies, était tombé amoureux de la femme de son chef. Il l'avait alors dénoncé, et le réseau par la même occasion… suite à cet incident, la majorité fut déportée… Imaginez donc les risques que l'on prenait à tenter d'enrôler des hommes ! Paul Chabloz, à maintes occasions, dû fuir de chez lui après avoir été dénoncé. Il devint avec le temps bien connu et recherché dans toute la région.
Parfois, on forçait un peu la main des gens… suite à un de ces exemples d'enrôlement forcé, Paul Chabloz nota dans son carnet : « Ordre vient de Londres par radio, en code secret évidemment, de contacter des Officiers de
Quelques jours après, en Décembre 1942, je trouve, passant là par hasard, le capitaine de gendarmerie de X. en conversation avec une dame, devant la caserne. Il est 13 heures. Je m'arrête, m'excuse de le déranger. La dame nous quitte. « Capitaine, j'ai à vous entretenir de choses d'une extrême importance
- Venez à 14 heures, ma femme m'a déjà appelé plusieurs fois pour le déjeuner.
- Impossible, c'est trop urgent. Rentrons dans votre bureau, je n'en aurai que pour deux minutes. »
Et là : « Personne ne peut nous entendre ici ?
- Non.
- Je me présente donc…
Je vous connais, vous êtes M.Chabloz, agent d'assurances !
- En ce moment, je suis le Commandant Chevesnes des forces Françaises Combattantes. » Et regardant ma montre : «
« On sait à Londres que je vous contacte aujourd'hui à 13 heures. J'ai une absolue confiance en votre patriotisme. Je sais que vous ne me dénoncerez pas aux Boches. Mais les instructions que je viens de recevoir de Londres sont formelles : je dois vous informer que j'ai une équipe de tueurs ! S'il m'arrive n'importe quoi du fait d'une imprudence de langage de votre part, vous, votre femme et votre fils serez immédiatement abattus ! Je regrette d'être aussi franc : j'ai des ordres ! Je n'ai d'ailleurs qu'une seule question à vous poser : quel sera votre comportement, lors du débarquement Alliés en France ? Serez-vous avec les Boches et les Milices de Pétain ou serez-vous avec nous ? »
Le Capitaine était blanc comme un mort. Il m'a néanmoins, sans hésitations, tendu la main :
« Vous pouvez compter sur moi, mon Commandant !
- Demain, Londres connaîtra votre accord. »
J'avais sa parole. Quelques temps après, je l'utilisais pour d'importantes missions. J'avais trouvé cette histoire de tueurs pour lui faire peur et l'avoir avec moi, car on m'avait prévenu qu'il était assez « douteux » parce que très opportuniste… et j'avais à prendre mes précautions. »
Commandant Chevesnes
Le 1er Novembre 1942, Paul Chabloz fut nommé Commandant. Il l'apprit par son Chef, « REMY », qui l'en informa alors qu'il revenait de Londres. Par la même occasion, il lui apprit qu'il retournait définitivement auprès du Général De Gaulle, par ordre de ce dernier dans les derniers jours de Décembre. REMY était en effet traqué par la gestapo, et était considéré comme un « pestiféré ». Il devenait alors trop dangereux pour les groupes de résistance de l'Intérieur de par son statut de recherché, menaçant de les découvrir involontairement. C'était un des risques de tout résistant bien impliqué… Le 31 Décembre 1942, il quitta donc
« Je viens de la part de TOURELLE et ROUSSEAU ». Tourelle étant le chef de
et Rousseau étant le responsable d'un des groupes organisés à Paris. Il chargea Paul Chabloz de verser chacun de ses groupes dans un autre réseau : L'O.C.M.
Pendant ce temps, Paul Chabloz restait en France, et devenait également de plus en plus recherché. Cependant, il continuait ses actions avec l'O.C.M.. Il devait également préparer les « Comités de Salut Public », en vue de la libération à venir que chacun espérait. Les risques qu'il prenait étaient de plus en plus importants, et
Lors de la concentration de l'ensemble de l'appareil policier allemand au sein du Reichssicherheitshauptamt (RSHA), en septembre 1939,
En France, elle absorbait les services militaires de la police secrète de campagne, renforçait considérablement l'action de ses quelques 1 500 policiers allemands par le
concours de plus de 40 000 auxiliaires français,
Ils leur arrivaient de brûler les seins des femmes de leur cigare allumé, ce cigare qu'ils savouraient pour certains durant ces entrevues, face à ces hommes et ces femmes mis plus bas que terre par leurs bons soins…
Fermez les yeux un instant, essayez d'imaginer une telle scène… essayer de souffrir à la place de ces gens, de vous approprier leur douleur… Et sachez alors que quand bien même vous parleriez pour voir arrêter ces supplices, les tortures pouvaient se renouveler jusqu'à la mort…
Paris refuge
En Juillet 1943, une nouvelle mission pour Paul Chabloz : LISFRANC, chef OCM du Nord, fut pris avec son Lieutenant D'HALLENDRE… Paul Chabloz accueillit alors la femme de celui-ci avec leurs deux enfants : un fils de 4 ans, et une fille de 2 ans. Ils séjournèrent chez les Chabloz 2 mois. D'HALLENDRE n'eut pas cette chance et il fut emmené avec sa femme et son fils de 19 ans…
Le 6 Septembre 1943, un agent de liaison du Cateau l'avisa de l'arrestation du responsable de Cambrai (comandant RICHEZ) et de BERIOT (Responsable de Valenciennes). Ayant un mauvais pressentiment et le cœur battant la chamade, il prépara ses affaires en vitesse et quitta sa maison pour Paris.
Une demi-heure après son départ, la maison était cernée, ne heure après,
était chez lui… Que s'était-il passé ? Depuis trois mois, LISFRANC, D'HALLENDRE et les siens avaient subies les pires tortures. Durant trois mois, ils n'avaient rien dit, ne trahissant pas les leurs… Cependant, D'HALLENDRE était dans une position plus inconfortable que les autres : devant ses yeux, sa femme et son fils étaient chaque jour malmenés et torturés des pires façons. Il les voyait souffrir, crier, supplier… Son cœur d'homme n'avait pu résister : il avait parlé !
Et le 6 Septembre, alors que Paul Chabloz était en route pour Paris, les responsables du Nord avaient été, presque dans la même heure, pris et emmenés par
Malgré ce triste épisode, Paul Chabloz continua ses actions de résistant ! Il avait été nommé Responsable des Maquis de 5 Départements de
En Octobre 43, il eut la grande chance par un heureux hasard de se trouver avec le « Gotha », le livre noir de
A Avesnes, pas loin de la maison des Chabloz, nous pouvons voir un magasin d'outillage nommé « Chez Deflandre ». A cet endroit même se dressait autrefois un magasin de vêtements où s'habillait Paul Chabloz. Le vendeur avait collaboré avec la Gestapo, et avait donné la description de chacun des costumes de son client. La Gestapo connaissait ainsi tous les costumes de Paul Chabloz !)
Toujours en Octobre 1943, Paul Chabloz faillit être reconnu et pris par trois fois. Chaque fois, c'était le même scénario : revolver dans les reins, cerné par des tueurs… Lors d'un de ces épisodes, il avait rendez-vous à Arras avec différents responsables de secteur de
On pouvait appeler cela de l'instinct : à force d'être traqué sans cesse, on finissait par connaître un peu mieux son ennemi et déceler chez certaines personnes leurs véritables intentions… C'était d'ailleurs préférable pour des résistants qui prenaient tant de risques tel Paul Chabloz. Ce genre de résistant étaient en contact permanent avec des gens, cherchaient régulièrement à enrôler de nouvelles recrues et tout cela en évitant soigneusement d'être reconnu. C'était sans compter sur les espions que l'on envoyait se mêler aux populations civiles pour s'infiltrer dans les réseaux…
Toujours est-il qu'à peine entré, Paul Chabloz fut sur ses gardes. Il alla s'attabler tout naturellement auprès de ses compagnons et ils commencèrent à manger. Ils échangèrent rapidement quelques propos, tout en faisant bien attention de ne pas être entendu. Paul Chabloz surveillait du coin de l'œil l'homme qui prenait son repas tranquillement, sans leur prêter la moindre attention. Ils finirent leur repas sans qu'aucun incident fâcheux ne se soit déroulé, et ils se séparèrent. Cependant, Paul Chabloz resta à parler avec un ami sur le quai de gare. Ils allaient tout deux se séparer à leur tour, Paul Chabloz retournant à Paris et son ami dans son secteur, quand soudain, l'homme de la brasserie se dirigea vers eux. Paul Chabloz le vit s'approcher de loin:
« Excusez-moi monsieur, puis-je savoir où vous allez ? »
Tout de suite sur le qui-vive, il garda malgré tout son sang-froid mais décidé de mentir. Il répondit alors tout naturellement :
« Je vais sur Lille, Monsieur - Oh, vous êtes de la région ? J'ai une police d'assurance sur Avesnes, et je souhaiterais m'y rendre. Pourriez-vous m'indiquer le train que je dois prendre ? - Avesnes ? Je ne connais pas, je vous prie de m'excuser. Vous devriez vous adresser à la gare. »
L'homme le scruta un instant, puis le remercia et se détourna. Paul Chabloz monta ensuite dans le train et prit la route pour… Paris !
Dans le train, il réfléchit à l'incident qui venait de se dérouler : l'homme était sans nul doute un agent qui avait essayé de le découvrir, sa démarche était claire : il aurait souhaité voir Paul Chabloz le considérer comme un client de son ancienne agence d'assurance et lui indiquer comment se rendre à Avesnes…Chaque jour, chaque heure de vie d'un résistant, étaient une véritable épreuve de survie !
Le 12 Décembre 1943, Paul Chabloz est condamné à mort par contumace, de même que Lisfranc, D'Hallendre, Beriot et Torgue. Eux seront exécutés après tortures le 27 Décembre 1943 au fort de Bondues…
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