Paul Chabloz (la suite)
L’enterrement
Environ vers le 15 Janvier 1944, Paul Chabloz apprit qu’il était à son tour considéré comme un « pestiféré », et ses chefs l’enjoignirent de se terrer et de faire le mort. Il insista pour être affecté à une autre région, mais rien n’y fit. Cela faisait 5 mois qu’il n’avait pas vu les siens, étant obligé de rester sur Paris à cause de son statut de recherché. A présent, il allait encore de voir se terrer et fuir pour rester en vie. On lui conseillait l’inaction totale.
En Août 1944, il trouva alors une brave dame, Mme COULMONT, qui au péril de sa vie accepta de l’héberger à Maisons-Alfort jusqu’à
On la nommait « Hôtesse ». Elle était la défunte épouse d’un Capitaine de la guerre 1914-1918 que l’on avait surnommé « Gueule Cassée ». Il avait été défiguré par un coup de revolver en pleine figure, lors d’un « nettoyage de tranchée », en 1917. Elle était également la cousine d’un ami de Paul Chabloz, REVEAUX, d’Avesnes et, alors, membre de
Lors de son séjour, il eut la joie de recevoir par trois fois sa fille aînée, Evelyne, devenue élève assistante sociale à Paris depuis Décembre 1943. Mais, alors qu’elle faisait un de ses stages à l’hôpital de soins de vieillards tuberculeux, elle fit une cuti-réaction négative et fut imprégnée massivement avec trois de ses camarades. Toutes quatre décédèrent dans les trois mois… Evelyne quitta ainsi les siens en Juillet 1944. Mis au courant de son état de santé, Paul Chabloz tenta de rejoindre Avesnes pour assister à ses derniers instants, mais il se résigna à retourner à Maisons-Alfort, bien qu’atrocement abattu… Comme il le nota par la suite « C’eut été une imprudence criminelle vis-à-vis des miens et des Groupes de résistants ». Il ne put donc pas assister à l’enterrement de sa fille aînée, qui mourut dans leur maison.
Cependant, la population d’Avesnes était au courant des agissements de Paul Chabloz. Et durant cet été de 1944, on sentait poindre la fin de l’Allemagne… Ce fut ainsi que, le jour de l’enterrement, 800 personnes se réunirent pour assister aux funérailles.
Ce fut une énorme manifestation ! De nombreux résistants bravèrent le danger pour se joindre au cortège, pour l’enterrement d’Evelyne, fille aînée de ce grand résistant qu’était Paul Chabloz, résidant en ces temps à Maisons-Alfort… Ceci eut malgré tout de malheureuses répercutions : deux jours après l’enterrement, les Feld-gendarmes chassèrent les Chabloz de leur maison et réquisitionnaire celle-ci. La raison : cet enterrement était selon eux une manifestation gaulliste !
Libération
Fin Août 1944, à Paris, sous le nom de commandant DELAPORTE, Paul Chabloz participa aux derniers combats. Ceci après avoir arrêté une espionne allemande et son fils, ainsi qu’un lieutenant de Milice.
Le 2 Septembre 1944, dans la matinée, les Avesnois purent voir les chars allemands quitter la ville et se diriger vers un village voisin. Hébétés, ils mirent un certain temps à comprendre que c’était la fin de la guerre pour eux, qu’enfin était venu le jour de la libération… Puis, ce fut un tonnerre de cris et d’applaudissements. Les gens sortaient de chez eux et venaient se joindre à un cortège grandissant. Au loin, les Allemands repartaient lentement. Une foule se massait dans Avesnes, on défilait dans les rues, on criait, on chantait, on dansait… un homme, tellement heureux de cet évènement qu’on attendait plus grimpa alors tout en haut de l’église d’Avesnes sur la grande place, et y accrocha un drapeau français sous les vivats de la foule. Cependant, les Allemands étaient sur une colline proche du village voisin, mais de là, ils purent voir le drapeau que l’on venait de hisser. Par rage, un char tira alors des obus incendiaires, et sous les yeux ébahis des Avesnois, le clocher fut détruit. Ce fut un évènement marquant de la ville d’Avesnes pour qui son clocher comptait énormément. Cependant, la fête ne fut pas gâchée pour autant. Mais Paul Chabloz, comme d’autres résistants, n’étaient pas présent ce jour là. Alors, on vint chercher sa femme qui fut mise à l’honneur. Elle tenta de fédérer la délégation municipale, et ce fut Eugène Laurette qui en attendant le retour de Paul Chabloz, se chargea de la mairie. Arrivèrent ensuite les américains. On les accueillit avec des hurlements de joie, sous un tonnerre d’applaudissements.
Ils véhiculaient la joie, ils mettaient fin aux tourments de la population, et ils apportaient ce que chacun attendaient depuis 5 ans déjà…
La veille de son départ, il apprit le décès de son fils, Jean-Paul. Celui-ci avait été arrêté en Novembre 1943 par la gestapo dans le Doubs où il faisait partie d’un groupe de résistance.
Durant longtemps, ils ignorèrent ce qu’il en était advenu…
La mère d’André Chabloz, lorsque Paul dut s’enfuir sur Paris, avait craint que son fils connaissant les actions de son père, ne tente de prendre sa place. Elle l’avait alors envoyé à Glayes. Mais il avait décidé d’y faire sa propre résistance. Il y obtint, parait-il, le grade de sous-lieutenant. Cependant, son groupe était mal organisé, et lors d’un parachutage près de la frontière suisse suivi d’un transport d’armes, il s’était fait prendre avec dix de ses camarades. Il avait 17 ans, et il préparait le baccalauréat à l’Institut protestant de Glayes.
Il fut emprisonné à Besançon, puis fut emmené à Paris, à Fresnes, ceci avant de se retrouver dans l’horrible camp du Struthof, près de Strasbourg. Lorsque l’entité du Struthof fut supprimée, le camp entier fut déporté sur Dachau, puis réparti sur divers commandos. Une dernière fois, il fut déporté dans un autre camp, à Vaihingen, dans le Wurtemberg. Il y décéda, et selon les différentes listes établies par les Allemands, ceci le 12 Février 1945. On mit longtemps à découvrir que son dernier séjour avait été à Vaihingen car le maire de la ville avait caché tous les registres. Ce ne fut qu’en 1950 qu’on retrouva les registres et apprit qu’il avait séjourné là-bas. Auparavant, dans la logique des choses, on avait cherché son nom dans les registres de Dachau. Grâce aux registres, on rouvrit une fosse comprenant environ 276 français…
Là, ses ossements furent retrouvés et le service français des sépultures militaires les ramena au camp du Struthof, où il repose désormais dans la tombe numéro 42.
A la suite de
Suite à cela, parfois, des amis venaient dormir chez eux durant un mois, même deux.
Leurs portes ne se sont jamais refermées sur le partage et ils surent toujours accueillir ceux qui le souhaitaient.
En Juin 1944, les Alliés débarquèrent en Normandie (bataille de Normandie). Dès lors, les cadres de
Le 1er Janvier 1949, la seconde fille des Chabloz décéda à l’hôpital de Lausanne. Ce qui fit qu’au lendemain de la guerre, les Chabloz n’étaient plus que trois, ayant été six autrefois. André Chabloz était le seul enfant qui restait…
Epilogue
Bien des années ont passé. André Chabloz a grandi, s’est marié, a eu trois enfants. Lorsque sa mère décéda, elle dit avec un sourire qu’elle allait rejoindre ses enfants. Suite au décès de son père, il ne voulut plus parler de cette époque à laquelle nous nous sommes intéressés. Souvent, on lui posait des questions, mais il ne souhaitait pas y répondre. Aujourd’hui, il commence peu à peu à s’intéresser aux évènements organisés en souvenir de la résistance et des résistants. Grâce à lui, vous avez entre vos mains le récit d’un résistant. Grâce à lui, nous avons pu nous imaginer ce qu’avait pu être la vie d’un résistant. Grâce à lui, ces combattants de l’ombre ont vécu une nouvelle fois…
Merci à vous, cher lecteur, d’avoir suivi ce récit, car sans vous, ces hommes n’auraient pas eu l’occasion de renaître un instant. Merci pour eux, pour leur courage. C’est la fin de notre ouvrage. Nous refermons cette page du passé que nous avons délicatement effleurée… C’était l’histoire d’un homme courageux, de quelqu’un de formidable qui était pourtant un humain comme vous et moi. Avec les siens, il a accompli de grandes choses. Alors ne les oubliez pas.
N’oublions pas ce qu’a été l’occupation, ce qu’a été cette guerre et ce que les français ont enduré. Tirons conclusions de ce passé troublé et forgeons-nous un avenir meilleur… Retenons que même le pire est surmontable, il suffit de se battre et de croire, comme ces hommes ont cru autrefois en cette libération qui leur parut utopique. Et comme le dit Fustel de Coulanges, « Le passé ne meurt jamais complètement pour l'homme. L'homme peut bien l'oublier, mais il le garde toujours en lui. »
Donnons-lui raison : n’oublions jamais ! …
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